LE MARCHÉ AUX DENRÉES DE TROIS-RIVIÈRES

Home / 40e_anniversaire / LE MARCHÉ AUX DENRÉES DE TROIS-RIVIÈRES
LE MARCHÉ AUX DENRÉES DE TROIS-RIVIÈRES

LE MARCHÉ AUX DENRÉES DE TROIS-RIVIÈRES

Par Élyse Marchand, étudiante à la maîtrise en études québécoises à l’UQTR

Depuis plus d’une vingtaine d’années, il n’y a plus de marché rassemblant les producteurs au centre-ville de Trois-Rivières[1]. Cependant, durant plus de cent ans, il existait une telle place, nommée le marché aux denrées, au cœur du centre-ville trifluvien. Nous allons regarder ici les différents changements qu’a vécu ce lieu durant sa longue existence. Nous en étudierons d’abord sa forme initiale, à partir du Régime français jusqu’en 1845, ensuite ses agrandissements et les délibérations pour un nouveau et plus grand marché, entre 1845 et 1868. Finalement, son apogée et son déclin, de 1868 à 1990.

 On retrouve une première mention du marché aux denrées de Trois-Rivières dans une ordonnance de l’intendant Bégon en 1722. En effet, les habitants demandaient alors à ce que l’on organise la tenue de ce dernier. On le placera près du fleuve, principale voie de communication de l’époque, vis-à-vis de la rue Saint-Louis. Le marché se tenait usuellement une fois par semaine, le vendredi. Il servait à approvisionner les habitants de la ville et permettait aux gens des campagnes environnantes de faire étalage de leurs produits et d’avoir ainsi l’occasion d’écouler leurs marchandises[2].

Généralement les marchés étaient plus qu’un lieu de commerce. Il s’agissait d’espaces et de places publiques. Les gens s’y retrouvait, et on les utilisait également pour punir les criminels. La ville de Trois-Rivières ne fait pas exception à cette époque, comme en témoigne Benjamin Sulte : « C’était le théâtre ordinaire d’un spectacle que la civilisation a banni de nos mœurs : on y punissait les misérables condamnés à la peine infamante du fouet[3] ».

En 1824, le marché se déplace des abords du fleuve pour aller s’installer sur la rue des Forges, à l’angle de l’actuelle rue Badeaux. Cependant, les quelques bâtiments qui le compose ne sont pas suffisant et le Conseil de ville constate qu’il doit prendre des mesures pour le rendre plus approprié aux exigences[4].

  • De 1845 à 1868 : délibérations et agrandissements.

Le 27 octobre 1845, le Conseil de ville de Trois-Rivières décide d’ajouter deux halles au marché aux denrées pour répondre aux criants besoins de ce dernier. La construction commence en 1846 et dès son inauguration, cet ajout est jugé trop modique pour les demandes des marchands[5].

 

Marché aux denrées vers 1867. Source: ASTR 0064-35-02

On décide donc, l’année suivante, de faire un autre agrandissement, cette fois de deux étages. Au deuxième, dans la foulée des marchés publics à vocation culturelle[6], on y installe l’hôtel de ville, une salle de spectacles et un local polyvalent. Néanmoins, malgré d’autres modifications, cet espace ne répondra jamais pleinement aux besoins des commerces[7].

C’est alors que la Corporation de la ville de Trois-Rivières décide de construire, en 1858, un autre édifice derrière le premier, nommé les Petites Halles, prévu pour les marchands au détail. Cet effort est néanmoins vite surpassé par une arrivée plus nombreuse de cultivateurs, conséquence de la mise en place de nouvelles voies ferroviaires[8].

Ce problème est passé à la loupe par le Conseil de ville de Trois-Rivières et le Comité des marchés. On étudie les besoins du marché, ses revenus et les dépenses à envisager. On fait des prévisions. Finalement, deux solutions sont proposées pour agrandir la place du marché. La population se sent concernée et tente d’influer sur la décision. Le projet devient un enjeu aux élections municipales de juillet 1868. Même l’évêque, Monseigneur Laflèche, donne son avis sur la question et signe une requête en faveur d’une des options[9].

 

  • 1868 à 1990 : apogée et déclin du marché aux denrées

 

C’est donc fort de cet appui de l’évêque de Trois-Rivières, à laquelle s’est ajouté la signature de personnages influents, comme l’entrepreneur forestier George Baptist, que le Conseil prend sa décision le 10 août 1868. On opte pour l’acquisition de terrains avoisinants et pour la construction de deux immeubles[10]. La pierre angulaire du projet est posée le 16 octobre de la même année[11]. Les travaux se déroulent malgré une certaine opposition, mais celle-ci tend à s’amenuiser et lors de l’inauguration du marché aux denrées en avril 1869, on constate que les adversaires diminuent de jour en jour. En effet, l’édifice devient une fierté pour les habitants de Trois-Rivières[12].

L’immeuble est inauguré sous des airs de fête publique

Marché aux denrées vers 1875. Source: ASTR 0064-35-07

le 10 avril 1869. Il est majestueux, avec des fenêtres en ogive, un toit ayant une tour abritant la cloche à incendie et une vaste place publique. L’édifice peut rivaliser avec ceux que l’on retrouve dans les autres villes du Canada, tout fait de briques, spacieux et architectural. La Corporation de la ville de Trois-Rivières prend soin du bâtiment et le modernise au cours des années. Malheureusement, un incendie en démoli tout l’intérieur le 3 février 1900. Cependant, on le reconstruit immédiatement, ce qui en démontre l’importance aux yeux de la ville.[13]

Comble de malheur, le marché disparaît sous les flammes lors d’un second brasier, celui du grand incendie du 22 juin 1908, qui dévorera près de 800 bâtiments du centre-ville de Trois-Rivières[14]. Il sera reconstruit l’année suivante. On le déménagera en 1961 et il se retrouvera sur la rue Saint-Philippe.[15] On y compte toujours en 1984 près de 50 marchands qui y sont établis. L’Association des marchands du marché aux denrées offre d’acheter les lieux à la ville pour une somme de 1$ mais le Conseil de Ville écarte la proposition. C’est une firme, Pomerleau, qui achètera les lieux et y construira le complexe qui y est toujours. Certains marchands resteront au rez-de-chaussée de ce lieu quelques temps et les autres iront ailleurs. Depuis 1990, il ne reste plus de producteurs au centre-ville, et tous les efforts pour tenter de les y ramener n’ont pas encore réussis[16].

Marché aux denrées vers 1960. Source: Patrimoine Trois-Rivières

 

Notes

[1] La Gazette de la Mauricie, Site internet, « Le marché aux denrées », https://www.gazettemauricie.com/le-marche-aux-denrees/ [en français], Mise à jour le 27 mai 2015, Page consultée le 4 décembre 2017.

[2] Yves Bergeron, « Les premières places de marché au Québec », Revue de la culture matérielle, vol. 35 (printemps 1992), paragraphes 13 à 15.

[3] Benjamin Sulte, « Les marchés de la Ville des Trois-Rivières », Le Constitutionnel, 16 octobre 1868, p. 15.

[4] Jocelyne Murray, Les marchés de Trois-Rivières : Étude de la sociabilité urbaine, 1850-1900, Mémoire de maîtrise (études québécoises), Université du Québec à Trois-Rivières, 1987, p. 16.

[5] Murray, Les marchés de Trois-Rivières, p. 18.

[6] Bergeron, loc. cit., paragraphe 35.

[7] Murray, op. cit., p. 18.

[8] Murray, Ibid, p. 18-19.

[9] Murray, Ibid., p. 20-21.

[10] Murray, Ibid., p. 21.

[11] Sulte, loc. cit., p. 2.

[12] Murray, op.cit., p. 22.

[13] Murray, Ibid., p. 24.

[14] Ville de Trois-Rivières, « Histoire de Trois-Rivières », Site Internet, http://www.v3r.net/culture/histoire-et-patrimoine/histoire-de-trois-rivieres [en français], Page consultée le 4 décembre 2017.

[15] Ville de Trois-Rivières, « La fresque scène 8, Le marché aux denrées », Site Internet, http://www.v3r.net/culture/arts-visuels/art-public/la-fresque#scene-8-le-marche-aux-denrees [en français], Page consultée le 4 décembre 2017.

[16] La Gazette de la Mauricieloc. cit.

 

BIBLIOGRAPHIE

 

BERGERON, Yves. « Les premières places de marché au Québec ». Revue de la culture            matérielle, vol. 35 (printemps 1992) : 39 paragraphes.

LA GAZETTE DE LA MAURICIE. Site internet. « Le marché aux denrées ».            https://www.gazettemauricie.com/le-marche-aux-denrees/ [en français]. Mise à jour       le 27 mai 2015. Page consultée le 4 décembre 2017.

MURRAY, Jocelyne. Les marchés de Trois-Rivières : Étude de la sociabilité urbaine, 1850-     1900. Mémoire de maîtrise (études québécoises), Université du Québec à Trois-Rivières, 1987. 154 p.

SULTE, Benjamin. « Les marchés de la Ville des Trois-Rivières ». Le Constitutionnel, 16          octobre 1868. 32 p.

VILLE DE TROIS-RIVIÈRES. « Histoire de Trois-Rivières ». Site Internet.             http://www.v3r.net/culture/histoire-et-patrimoine/histoire-de-trois-rivieres [en français]. Page consultée le 4 décembre 2017.

VILLE DE TROIS-RIVIÈRES, « La fresque scène 8, Le marché aux denrées ». Site       Internet. http://www.v3r.net/culture/arts-visuels/art-public/la-fresque#scene-8-le-    marche-aux-denrees [en français]. Page consultée le 4 décembre 2017.

Laissez un commentaire

Votre adresse de courriel ne sera pas publiée.

3 × 5 =