L’HISTOIRE DES ARMOIRIES À TROIS-RIVIÈRES

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L’HISTOIRE DES ARMOIRIES À TROIS-RIVIÈRES

L’HISTOIRE DES ARMOIRIES À TROIS-RIVIÈRES

Par Marc Beaudoin, historien et héraldiste.

L’invention des armoiries remonte au XIIe siècle pour distinguer les combattants sur les champs de bataille. Puis, ce moyen d’identification des chevaliers passera aux femmes, aux ecclésiastiques, aux bourgeois, aux corps de métiers et aux villes. Au Québec, les premières armoiries municipales apparaissent lors de la création des villes de Québec et de Montréal. Nous présentons les armoiries de quatre des municipalités qui forment aujourd’hui la ville de Trois-Rivières.

Les armoiries de la cité de Trois-Rivières

Armoiries de la Cité de Trois-Rivières, 1857-1959.

En 1845, Trois-Rivières est dotée d’un conseil municipal présidé par le maire Pierre-Benjamin Dumoulin[1]. Ce n’est qu’en 1857 que la ville adopte ses premières armoiries dont nous ne possédons que des illustrations en noir et blanc (Figure 1). Nous pouvons les voir sur la façade de la caserne de pompier no 6 sur la rue Laviolette (Figure 2), sur le monument aux Braves, ainsi qu’au centre de la rosace nord dans le portique de la cathédrale (Figure 3). Le chevron chargé des trois poissons sera repris dans les armoiries de l’ancienne Société d’histoire régionale de Trois-Rivières et de la Commission des écoles catholiques de Trois-Rivières (Figure 4).

Figure 2. Armoiries de Trois-Rivières sur la façade de la caserne no 6.

Figure 3. Armoiries de Trois-Rivières, vitrail du portique de la cathédrale.

 

Figure 4. Armoiries de la Commission des écoles catholiques de Trois-Rivières.

Les armoiries actuelles seront adoptées le 16 février 1959 par le conseil municipal[2]. Elles avaient été présentées dans le rapport du 4 février 1959 qu’Henri Morin, un employé du bureau de l’ingénieur de la ville, a rédigé en collaboration avec les imminents héraldistes Victor Morin[3] et Burroughs Pelletier à la demande de Paul-Ed. Dufresne, l’ingénieur de la cité de Trois-Rivières, quelques mois plus tôt[4].

Figure 5. Armoiries de Trois-Rivières adoptées en 1959. Salle du conseil municipal, Hôtel de Ville.

Ces armoiries se blasonnent[5] : d’azur, à un chevron d’argent, chargé d’une fleur de lis du premier, et accompagné de trois poissons du deuxième, deux en chef, un en pointe. Cimier : un castor sur son écot au naturel. Devise de 1857 « Deus nobiscum quis contra » (Si Dieu est avec nous, qui sera contre nous.). (Figure 5)

Dans son rapport, Henri Morin explique que le chevron, extrait des armoiries de Pierre Boucher de Grosbois « évoque les qualités de cet illustre pionnier, qui fut le premier et le plus grand gouverneur de Trois-Rivières »[6]. La fleur de lis souligne l’origine française de la ville, et les trois poissons figurent les trois rivières et sont « un rappel aux aborigènes de la région les “atticamègues”. Dans leur langue, le mot atticamègue signifie “poisson blanc” »[7].

Les armoiries de la ville de Cap-de-la-Madeleine

Armoiries de Cap-de-la-Madeleine soumises aux commentaires de Robert Pichette.

La municipalité de la paroisse de Sainte-Marie-Madeleine-du-Cap-de-la-Madeleine est incorporée 1er juillet 1855 et deviendra la ville de Cap-de-la-Madeleine le 9 février 1918. Les archives sont muettes sur le concepteur[8] et la date de l’adoption des armoiries de la ville (Figure 6). Par contre, en 1956, dans une lettre au maire André Julien, le secrétaire de la Société d’histoire du Cap-de-la-Madeleine exprime les préoccupations de la Société relativement à un projet de nouvelles armoiries[9]. Dans sa réponse, le maire Julien le rassure en précisant « que ce projet n’est pas urgent et que même il n’est pas à l’état de projet. »[10] Et pourtant, le maire demande, au début de 1957, une critique détaillée des armoiries à l’héraldiste Robert Pichette.  Ce dernier dresse une longue liste des erreurs de conception et de non-respect des règles héraldiques, et termine en recommandant « l’adoption de nouvelles armes plus conforme à la tradition héraldique, à l’histoire de la ville et plus conforme aussi à l’art héraldique. »[11]

Cette recommandation n’a visiblement pas été suivie puisque l’administration Julien a opté pour une transposition en noir et blanc des armoiries en y ajoutant la devise[12] sous le castor (Figure 7). Ce qui est contraire aux règles héraldiques.

Figure 7. Logo en forme d’armoiries de la ville de Cap-de-la-Madeleine.

Les armoiries de la ville de Trois-Rivières-Ouest

Figure 8. Armoiries de la paroisse de Trois-Rivières.

La municipalité de paroisse Notre-Dame de Trois-Rivières fut incorporée le 1er juillet 1855. Elle deviendra la ville de Trois-Rivières-Ouest en 1963. La nouvelle ville conserve les armoiries réalisées pour la paroisse par le Collège canadien des armoiries au milieu des années 1950 (Figure 8).

Ces armoiries se blasonnent : d’argent, au pairle d’azur accompagné en chef d’une croix tréflée de gueules, adextré d’un lion contourné du même tenant dans ses pattes un guidon d’azur chargé d’une fleur de lis d’argent, senestré d’un lion aussi de gueules, tenant dans ses pattes une croix à double traverse du même ; à la bordure crénelée de gueules et d’or. Devise : « Unum Corpus Multi Sumus » (Quoique nombreux nous ne faisons qu’un)[13].

Dans ces armoiries le pairle, l’Y bleu, représente les trois rivières, la croix tréflée rouge, inspirée de l’insigne de l’ordre des Saints-Maurice-et-Lazard, rappelle le nom de la rivière et de la région. Le lion avec un fanion portant une fleur de lis et celui avec la croix patriarcale rappelle que la seigneurie de Sainte-Marguerite fut un temps dans le domaine royal avant d’être acquise par Charles Aubert de La Chesnaye. Enfin, la bordure crénelée est une allusion au fort de Trois-Rivières.

 

Les armoiries de Pointe-du-Lac

Figure 9. Armoiries de Pointe-du-Lac.

La municipalité de la paroisse de La Visitation-de-la-Pointe-du-Lac sera créée le 1er juillet 1855. Un siècle plus tard, le Collège canadien des armoiries lui vend les armoiries suivantes : d’azur, au chevron d’or accompagné en chef de deux croissants d’argent supportant chacun un épi de blé d’or, tigé et feuillé de sinople; et en pointe d’une étoile à huit raies d’argent. Devise « Incorrupto Fides » (La confiance par l’incorruptibilité) (Figure 9). La nouvelle municipalité de Pointe-du-Lac les adoptera à la suite du regroupement des municipalités du village et de la paroisse du 11 février 1978.

Ces armoiries s’inspirent du passé historique de la municipalité ainsi que de la patronne de la paroisse : la Mère de Dieu. Ici, le chevron représente la pointe qui s’avance dans le lac Saint-Pierre et donne son nom au village. Le fond bleu ainsi que les deux croissants d’argent supportant chacun un épi de blé d’or sont extraits des armoiries concédées par Charles d’Hozier, juge d’armes et gardien de l’Armorial de France, à René Godefroy de Tonnancour en 1718. L’étoile est un symbole marial et rappelle le vocable de la paroisse, Notre-Dame-de-la-Visitation[14].

 

Pour en savoir plus sur l’art héraldique :

  • Sylvie Badner, Les blasons du monde. Éditions de la Martinière, 187 pages, 2011
  • Michel Pastoureau, Traité d’héraldique. Édition Picard, 407 pages, 2008.
  • Claude Wenzler, Le guide de l’héraldique. Éditions Ouest-France, 221 pages, 2015.

Notes

[1] Alain Gamelin et collaborateurs, Trois-Rivières illustrée. Corporation des fêtes du 350e anniversaire, Trois-Rivières, 1984, p. 221.

[2] Compte rendu de la séance du Conseil du 16 février 1949 (sic). Archives de la ville de Trois-Rivières, Fonds Cité de Trois-Rivières.

[3] Le notaire et héraldiste Victor Morin (1865-1960) est surtout connu comme étant l’auteur du code Morin.

[4] Henri Morin, Le rapport du 4 février 1959. Archives de la ville de Trois-Rivières, Fonds Cité de Trois-Rivières.

[5] Pour décrire les armoiries, les héraldistes utilisent un vocabulaire et des expressions universellement reconnues.
Ainsi dans un blasonnement l’or est jaune, l’argent est blanc, l’azur est bleu, le gueules est rouge, le sable est noir et le sinople est vert. Les deux premières couleurs sont des métaux et les autres des émaux.
Le cimier désigne les éléments au-dessus de l’écu ou du bouclier.

[6] Morin, Op.cit.

[7] Morin, Op.cit.

[8] L’auteur de ces armoiries est vraisemblablement un amateur qui ne connaissait pas les règles héraldiques et en particulier celle du contraste des couleurs : ne jamais mettre métal sur métal et émail sur émail.

[9] Lettre de Philippe Moreau, 12 décembre 1956. Archives de la ville de Trois-Rivières, Fonds Ville de Cap-de-la-Madeleine.

[10] Lettre du maire André Julien, 21 décembre 1956. Archives de la ville de Trois-Rivières, Fonds Ville de Cap-de-la-Madeleine.

[11] Lettre de Robert Pichette, 25 février 1957. Archives de la ville de Trois-Rivières, Fonds Ville de Cap-de-la-Madeleine.

[12] La devise « Arte ac Labore » pouvant se traduire par : L’habileté et de labeur.

[13] Collège canadien des armoiries. Armoiries de la paroisse de Trois-Rivières. Archives de la ville de Trois-Rivières, Fonds Ville de Trois-Rivières-Ouest.

[14] Armoiries de la Pointe-du-Lac. Archives de la ville de Trois-Rivières. Fonds Municipalité de Pointe-du-Lac.

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